Pour la grande majorité des joueurs, la pratique des jeux d’argent et de hasard (JAH) reste contrôlée et récréative. Les joueurs, attirés par l'adrénaline du jeu, acceptent souvent de perdre l’argent misé, avec un contrôle suffisant pour ne pas chercher à se refaire immédiatement après une perte. Cependant, une minorité de ces parieurs présente des profils inquiétants, oscillant entre le risque modéré et excessif de dépendance, ce qui peut avoir des conséquences sévères sur leur santé mentale, leurs relations sociales et leur situation financière. Les évolutions technologiques apportées par le développement d’internet, permettant de jouer à tout moment et depuis n'importe quel endroit, conjuguées à l’ouverture à la concurrence en 2010, ont radicalement transformé les comportements de jeu, incitant même certains à franchir la ligne entre le divertissement et la dépendance.
Chiffres clés
Selon l’Observatoire des jeux (ODJ), les dépenses de jeux des Français ont connu une tendance à la hausse sur la période 2000/2016, marquant un changement significatif dans la part que ces dépenses occupent au sein des budgets dédiés aux loisirs et à la culture, passant de 8,3 à 9,9 %. En 2016, les débourser par habitant majeur atteignent 191 €, contre seulement 134 € en 2000. L'influence d'Internet sur les jeux d'argent est indéniable, la part des mises en ligne s'élevant à 9,8 % en 2016. Entre 2010 et 2014, la proportion de Français âgés de 15 à 75 ans ayant joué à des jeux d’argent au cours des 12 derniers mois a remarquablement progressé, passant de 46,4 % en 2010 à 56,2 % en 2014.
Concernant les joueurs classés comme problématiques, une étude menée par l’ODJ, en collaboration avec l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et Santé Publique France, a révélé que l’élargissement de l’offre de jeux, avec l’ouverture du marché légal sur Internet en 2010, a eu pour effet une demande accrue, entraînant une hausse des joueurs « à risque modéré » (de 0,9 % à 2,2 %). Néanmoins, le nombre de joueurs « excessifs » est resté stable, fluctuant entre 0,4 % et 0,5 %. L'inquiétude se renforce chez les mineurs, dont les proportions sont particulièrement élevées.
Par ailleurs, l’enquête ESCAPAD 2017 de l’OFDT, ciblant un public de 17 ans, a intégré un module dédié aux « jeux d’argent et de hasard (JAH) » : il en ressort que 38,9 % des jeunes de cet âge ont tenté au moins une forme de JAH dans l’année, tandis que 10,1 % y ont joué dans la semaine, soulignant le paradoxe face à l’interdiction de vente de ces produits aux mineurs. Parmi les JAH les plus fréquemment pratiqués, on retrouve les jeux de grattage ainsi que les tirages instantanés.
Selon l’indice canadien de jeu excessif, les joueurs ayant pratiqué dans la semaine présentent un risque modéré de jeu excessif dans 17 % des cas, tandis que le risque élevé s'établit à 3,4 %. En considérant les joueurs engagés durant l’année, ces chiffres diminuent à 7 % pour le risque modéré et à 1,6 % pour le risque élevé, illustrant ainsi les enjeux liés à la pratique du jeu (ESCAPAD 2017).
Les jeux d’argent et de hasard en ligne
Depuis l’ouverture à la concurrence en 2010, le marché des jeux en ligne, concerné par des secteurs tels que le poker, les paris sportifs et les paris hippiques, a vu un renouvellement des pratiques. En fonction des lois en vigueur, tous les joueurs sont tenus de fournir une pièce d’identité ainsi qu’un RIB lors de leur inscription, cette démarche devant être réalisée dans un délai d’un mois. Malgré cela, le risque subsiste que des mineurs puissent tout de même se connecter et s'adonner au jeu, que ce soit devant l'écran ou en profitant des comptes de proches majeurs, ce qui rend la situation encore plus complexe à gérer.
Les opérateurs de jeux sont dans l’obligation de mettre en œuvre des mesures de protection, sous la surveillance de l’Autorité nationale des jeux (ANJ), afin de garantir la sécurité des joueurs : il est alors essentiel d’assurer la diffusion de messages de prévention, de permettre aux utilisateurs de définir des limites de dépôts de mises, et d'offrir des options d’auto-exclusion, avec des périodes s’étendant de 7 jours à 3 ans.
L’accès des mineurs aux jeux d’argent et de hasard
La vente de JAH de toute nature aux mineurs demeure strictement prohibée. Des dispositifs visant à contrôler cette interdiction ont été instaurés, mais leur efficacité a été remise en question, car les mineurs parviennent à accéder relativement aisément à ces activités, quel que soit le canal de distribution utilisé. Concernant les jeux de loterie et de grattage, un audit interne réalisé par la Française de Jeux sur la période de janvier à mi-septembre 2017 a révélé que seulement 29,8 % des buralistes refusaient de vendre un ticket à un mineur, ce qui soulève des préoccupations sur les pratiques en vigueur.
Les salles de jeux
L’accès aux casinos et clubs de jeux à Paris, où les cercles de jeux ont disparu en janvier 2018, est formellement interdit aux mineurs. La réglementation existe, mais des contrôles réguliers sont menés par le Service central des courses et des jeux, afférents à l’autorité de la Direction centrale de la police judiciaire, dans un souci de garantir la conformité à la législation.
Quels sont les risques d’une pratique excessive de jeux ?
Lorsqu’un joueur tombe dans une pratique excessive, il devient progressivement incapable de limiter l’importance du jeu dans son existence, cette dernière finissant par s’articuler uniquement autour de cette activité, au détriment de toutes les autres sphères de sa vie. Cette dérive peut entraîner une série d'effets néfastes, parmi lesquels :
- le surendettement, menant à une paupérisation accrue, et souvent à des délits tels que le vol ou l’abus de confiance, en raison du besoin constant de couvrir ses pertes;
- la dégradation des relations sociales et familiales, avec un isolement marqué pouvant provoquer des tensions et des ruptures, voire des divorces;
- des répercussions sur le travail, entraînant une baisse de performance scolaire ou professionnelle;
- des effets négatifs sur la santé, affectant l'équilibre alimentaire et le sommeil;
- une souffrance psychologique intense, souvent manifestée par des états d’anxiété, de tristesse ou même d’agressivité;
- l’incapacité à réduire les temps consacrés au jeu, rendant difficile toute tentative d'évasion hors de cette spirale.